La Provence 25 janvier 2002

La dérive meurtrière de deux jeunes délinquants

Les auteurs présumés du viol et du meurtre de la "super mamie" d’Avignon sont deux jeunes qui avaient accumulé les délits ces derniers temps. Le problème de leur contrôle par la justice se pose

Les deux auteurs présumés du meurtre de Mme Marie André Fesquet, 69 ans, la "super mamie Paca" de l’année 1998, ont été écroués hier après-midi, mis en examen pour "viol avec acte de torture et barbarie, meurtre sur personne vulnérable" et "complicité de meurtre". Le mineur avignonnais, natif de Beauvais, 16 ans, a été écroué au quartier des mineurs de la prison de Luynes et le majeur, Jamel Boumajan, 18 ans, domicilié quartier Monclar l’un des quartiers chauds d’Avignon, à la maison d’arrêt Sainte Anne d’Avignon. Leurs avocates, Mes Valérie Cama et Anne Laure Becherot se sont refusées hier à commenter cette décision de justice "11 est beaucoup trop tôt aujourd’hui pour se pencher sur le fond de ce dossier" ont déclaré tour à tour les avocates qui se sont montrées étonnées par la mise en cause de ces deux garçons dans un tel drame. "Cela ne correspond pas à leur profil et nous allons demander au magistrat de procéder rapidement aux expertises psychiatriques et psychologiques".

Pourquoi et comment de "petits délinquants" ont-ils pu en arriver à une telle extrémité dans l’horreur ? La question est sur toutes les lèvres et le maire d’Avignon Marie-José Roig s’est faite la porte parole de nombreux Avignonnais "Pourquoi l’un d’eux était-il toujours en liberté le 7 janvier, jour du meurtre, alors qu‘il avait commis un cambriolage un 31 décembre pour lequel il avait déjà été interpellé puis relâché ?".

Un "Irréductible récidiviste"

Jamel Boumajan, qui a quitté le quartier de Saint Jean-Grange d’Orel l’an dernier pour habiter avec ses parents à Monclar revenait souvent hanter les halls d’immeubles de son ancienne cité. Là, il gravitait parmi un groupe de jeunes et aurait pris sous sa coupe le mineur qu’il aurait poussé dans la folle expédition. Si ses copains fumaient du cannabis, lui c’est l’alcool comme le confirme un enquêteur "Sa première préoccupation au réveil était de trouver à boire". Officiellement en recherche d’emploi ce jeune majeur était pour la police cataloguée dans la rubrique des "irréductibles récidivistes ". Un terme fort qui pour autant ne recouvre pas grand-chose ni sur les faits commis, des "petits délits et surtout des outrages" jusqu’au vol avec violence d’un scooter devant un collège d’Avignon le 14 janvier dernier. Ni sur le plan de la sanction qui a été pour le vol avec violence, un passage devant le procureur et une convocation devant le tribunal correctionnel.

Le mineur, scolarisé en classe de 3ème d’adaptation, est un enfant en quête de repère qui aurait peut-être trouvé en Jamel Boumajan, ce "grand frère" qui l’a entraîné dans sa dérive. Adolescent il a grandi à Beauvais jusqu’en novembre 2000. Avec toute la famille il a suivi son père à Avignon, un héroïnomane, placé dans un centre de désintoxication et qui suit actuellement un traitement de substitution à la méthadone. Sa première rencontre avec la justice des mineurs remonte au mois de mars 2001 avec une admonestation pour des faits de violences en réunion commis aux abords d’un établissement scolaire. Il est ensuite mis en cause en avril pour un recel de vol puis un cambriolage en décembre. Une série de méfaits qui ont conduit la justice à le placer sous le régime de "liberté surveillée préjudicielle" avant son passage devant le tribunal pour enfant en mai. Il s’agit d’une mesure de suivi éducatif sous le contrôle d’un éducateur de la Protection judiciaire de la jeunesse. Celui-ci doit faire le point sur la scolarité ou encore les relations du mineur avec ses parents. Un placement en centre éducatif renforcé est ensuite envisagé en cas de récidive. Dans le milieu des éducateurs avignonnais ces deux jeunes gens ne sont pas particulièrement connus comme étant "des jeunes à problème". Le substitut des mineurs au parquet d’Avignon, Alain Bisiach a le même sentiment "rien ne laissait présager dans l’évolution de ces garçons un passage à l’acte aussi radical".

Et pourtant le mineur lors de son audition dans le cadre de la mesure de garde à vue a reconnu sa participation aux faits et mis en cause son ami en lui imputant la responsabilité des actes les plus atroces. Hier le juge d’instruction n’a pas interrogé les deux auteurs présumés sur les faits, un délai ayant été demandé par la défense pour examiner le dossier.

Bruno Hurault

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C'est caché sous des couvertures que les deux jeunes gens ont quitté la cité judiciaire dans les véhicules de police banalisés

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Marie Andrée Fesquet lors d'une fête à l'Isle sur Sorgue.